LAGHOUAT-HISTOIRE
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Reflexion sur les évènements de Décembre 1852 et l'occupation de Laghouat - par si Ahmida Mimouni-

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Reflexion sur les évènements de Décembre 1852 et l'occupation de Laghouat - par si Ahmida Mimouni- Empty Reflexion sur les évènements de Décembre 1852 et l'occupation de Laghouat - par si Ahmida Mimouni-

Message par hadj aissa Ven 21 Fév - 4:23


Salam, si Hadj
Je vous adresse ci-joint une réflexion que m'ont inspirée certains des évènements de décembre 1852 et leur relation par les chroniqueurs militaires français. Vous aurez compris que ma lecture de cette relation est tout à fait partiale et partisane. Je pense que dans ce genre d'exercice, il faut laisser "l'objectivité" à ceux qui n'y ont "ni chamelle, ni chameau" (lâ nâqat wa lâ jamal); nous ne faisons pas partie de ceux-là.




Laqouât zeyna (لقواط زينة) Laghouat est belle. Nous sourions tous en entendant cette phrase devenue proverbiale et tellement répandue que lorsqu’on dit à quelqu’un qu’on est de Laghouat, il dira immanquablement laqouât zeyna.
Et pourtant, si l’on veut être exact, il faut citer la suite de la phrase, qui est : « wezzeych fassad-ha », (لقواط زينة والزّيش فسّدها) Laghouat est belle, l’armée l’a détruite. Et alors, ressurgit l’histoire de cette ville, belle, aimée de ses habitants comme de ses visiteurs, détruite par l’armée. Par l’armée ? Voire ! Le dicton parle de zeych, déformation locale du mot jeych, et qui signifie dans notre parler régional, « bande armée » plutôt que « armée ».
L’armée française, sous les ordres du futur maréchal Pélissier, Gouverneur Général d’Algérie, n’a donc été vue par les yeux locaux que comme un « zeych », capable de tout ce que peut faire un « zeych », une bande armée sans foi ni loi.
Dans sa relation si froide des évènements, Mangin a cette phrase terrible : « à six heures du matin (4 décembre) tout était terminé ». Tout est terminé. On croit qu’il s’agit de la bataille, en fait il ne s’agit que des préparatifs pour l’attaque finale, le massacre autorisé sinon suggéré, parce qu’il y a des délais impératifs à respecter, parce que Pélissier, le commandant en chef, avait fixé rendez-vous à son état-major pour ce jour-là, avant midi : « au moment où le lieutenant-colonel Cler quitta le bivouac, le général Pélissier vint lui serrer la main en lui souhaitant bonne et surtout prompte réussite : « Souvenez. vous, Cler, » lui dit le général, « que je veux vous donner à déjeuner demain, avant midi, sur la plus haute terrasse de la kasba de Ben-Salem ». Et il n’est pas question d’arriver en retard au déjeuner du général.
Que devient dans ces conditions, la date du 2 décembre communément retenue comme date officielle de la prise de Laghouat ?
En fait, Pélissier et Bouscaren ne sont arrivés en vue de Laghouat que le 2 dans l’après-midi ; citons l’incontournable Mangin : La colonne légère fit halte, le 2, à trois lieues de la ville, pour recevoir un convoi d’eau expédié par le général Yusuf, et lorsqu’elle fut ainsi ravitaillée, déboucha dans la plaine au Sud de Laghouat par le Teniet-er-­Remel, vers trois heures de l’après-midi. « Sur la gauche, et à deux lieues vers le Nord, les soldats aperçurent une longue ligne d’un vert sombre, légèrement dentelée par les branches d’une forêt de palmiers. Au-dessus de cette verdure, chacun put distinguer les tours noirâtres d’une ville et le minaret blanc d’une mosquée. C’étaient la ville et l’oasis de Laghouat *. » * Souvenirs d’un officier du 2ème de zouaves (Paris, Lévy, 1859, 12°), p. 27. L’auteur de cet ouvrage anonyme est le colonel Cler.
Le 2, les armées prennent position autour de la ville, le 3, après quelques escarmouches de départ puis des combats très violents où les laghouatis rendent coup pour coup, Pélissier et son état-major établissent un nouveau plan pour l’attaque, et le 4 c’est l’assaut, la boucherie, le génocide, chacun lui donnera le nom qui lui paraît le plus juste.
Les laghouatis, et tous les gens de la région, avaient jusqu’aux années 1950 une expression plutôt mystérieuse pour signifier que les temps ont changé, qu’il n’y a plus d’hommes à la hauteur des évènements ou des problèmes; on disait « errjâl matet nhâr essebt », (الرجال ماتت نهار السبت) littéralement les hommes sont morts le samedi, mais avec cet emploi particulier du verbe « mât » au singulier féminin pour exprimer un masculin pluriel, (mâtet au lieu de mâtou) la langue arabe, littéraire ou parlée, comprend le sujet pluriel (les hommes) comme un ensemble, une catégorie, au singulier ; et l’on devrait donc traduire par « la race des hommes est morte le samedi ». La 4 décembre 1852 était un samedi.
A l’évocation de cette mort, on comprend ce que Fromentin a voulu exprimer lorsqu’il parle de son premier contact avec la ville :
II El-Aghouat.
3 juin 1853, au soir.
Presque toutes les villes arabes, surtout celles du sud, sont précédées de cimetières. Ce sont ordinairement de grands espaces vides, en dehors des portes, où l’on remarque seulement une multitude de petites pierres rangées dans un certain ordre, et où tout le monde passe aussi indifféremment que dans un chemin. La seule différence ici, c’est qu' au lieu d’un champ de repos, je trouvais un champ de bataille ; et ce que je venais de voir, ce que je venais d’entendre, je ne sais quoi de menaçant dans le silence et dans l’air de cette ville noire et muette sous le soleil, quelque chose enfin que je devinais dès l’abord, m’avertissait que j’entrais dans une ville à moitié morte, et de mort violente.
C’est une des rares fois où Fromentin s’implique directement par un jugement personnel ; la description des combats ou de leurs péripéties est généralement laissée aux soins de l’officier qui l’accompagne.
Dès son arrivée en vue de Laghouat, à Ras Laïoun, Fromentin utilise ce procédé de faire parler un témoin direct et incontestable : M C m’apprit que c’était le camp du général Pélissier, et me montra, sur la rive gauche de l' Oued-Lekier, en face du premier, le camp de la division Yussuf. Devant nous s’ouvrait une vaste étendue sablonneuse ; c’était là qu’avait eu lieu la belle affaire de cavalerie du 21 novembre. Puis il me parla du combat meurtrier du 3 décembre, de l’assaut du 4 et de la lutte sanglante qui suivit la prise.
Il y a donc eu un combat le 21 novembre à Râs Laïoun ? Le 2 décembre est décidément de plus en plus relégué au rang de date ordinaire de cette bataille. Ce combat a notamment vu la participation de moujahdine ‘Amour, survivants des combats de Zaâtcha notamment, et qui retournaient dans leurs foyers ; il a vu également la participation d’une fraction d’Oulad Naïl se dirigeant vers le sud pour l’hivernage ; ces hommes, en entendant qu’il y avait « le jihâd » à Laghouat ont changé de route pour se joindre au combat.
Ce combat du 21 novembre est celui où ont péri les hommes que nos ancêtres ont enterrés plus haut et dont les tombes ont constitué le site des « moujahdine », honoré au moins une fois par an depuis cette date par une population fidèle et un des rares lieux où les familles pouvaient se rendre sans que le patriarche puisse s’opposer.
Dans le feu du carnage du 4 décembre, les troupes d’assaut ne voyaient que des ennemis dans la population, les soldats considéraient tous les habitants, hommes femmes et enfants, comme des combattants ou, à tout le moins, comme des ennemis qu’il faut tuer avant qu’ils vous tuent. Et la tradition retient que tout le monde effectivement, chacun à la mesure de ses moyens, était au combat tant qu’il était vivant. Témoin le souvenir de cette aghouatiya juive, passée sans nom à la postérité et qui, voyant les troupes d’assaut pénétrer dangereusement dans les rues de la ville, monta sur une terrasse et cria, comme ces poétesses de la jahiliya : « wayn-koum yâ syâdi, wayn-koum yâ rjâl laqouât ! » (وينكم يا سيادي وينكم يا رجال لقواط) Où êtes-vous mes seigneurs, où sont les hommes de Laghouat. Ce cri d’une dhimmiya qui a décidé de ne plus l’être fut relayé par le « ‘âydi » et les « zgharid » lancés de partout, et alors les hommes qui, par tactique, s’étaient embusqués dans les jardins, préférèrent revenir au combat frontal.
Rejoignons Mangin (ou plutôt le lieutenant colonel Clerc) : « Ainsi qu’il l’avait dit la veille, le général Pélis­sier était entré avant midi dans la place ; il rappela au lieutenant-colonel Cler, qui le rejoignit après la délivrance des otages et la prise de la maison du khalifat, la promesse de déjeuner sur la terrasse la plus élevée de la grande casbah. Là, au milieu des sanglants débris du combat, entouré des drapeaux pris à l’ennemi, assis sur de riches tapis arabes, dominant l’oasis et l’immense horizon du désert, un repas tout militaire fut servi au général en chef et au général Yusuf qui venait d’arriver dans la casbah*. *Souvenirs d’un officier du 2ème régiment de zouaves »……
« Le déblaiement de la ville de ses nombreux cadavres fut très long à se faire ; c’était une horrible besogne à laquelle on employait plusieurs bataillons par jour. Trois ou quatre jours après l’assaut, le général Pélissier visitait ces chantiers et trouvant que cela ne marchait pas au gré de sa volonté, il faisait demander l’officier supérieur, chargé ce jour-là de la funèbre corvée. C’était l’excellent commandant de Chabron, du 5ème de ligne. Le général Pélissier lui fait le reproche, d’un ton brutal, de la lenteur apportée par ses hommes dans le service dont ils ont été chargés. Le commandant, sans se troubler de l’apostrophe du général, lui répond avec beaucoup de calme : « Que voulez-vous, mon général, nous n’enterrons pas les morts aussi vite que vous les faites ! »
Et pendant ce temps-là que se passait-il alentour ?
L’Agha des Oulad Sidi Chikh était alors Si Hamza ben Bou Bakeur. « Le jour de la prise de Laghouat, Si-Hamza faisait sur les dissidents une razzia importante et jetait la terreur dans tout le M’zab…. » et cela au mépris de la position de ses frères et du reste des dignitaires des Oulad Sidi Chikh. Il garantissait ainsi à Pélissier et Yusuf qu’aucun renfort n’irait rejoindre le champ de bataille depuis les régions sud.
Avec ses cinq cents fantassins et cent cinquante cavaliers d’élite, Si-Hamza constitua une forte réserve qu’il groupa autour du maréchal-des-logis Ben-Attab et des spahis.
Au signal donné par le trompette de spahis sonnant la charge, il lança sans perdre de temps le reste de son goum sur l’ennemi. Le camp fut cerné, et les chameaux déjà chargés tombèrent les premiers entre les mains de Si-Hamza. Les tentes de Ben-Nacer-ben-Chohra furent enlevées, et si tout ne fut pas pris, la cause en fut à ce que les cavaliers du khalifa, épuisés par la soif, se jetèrent sur les outres pleines d’eau qu’ils trouvèrent dans les provisions de l’ennemi. Malgré un vigoureux retour offensif des Larbâa, le succès fut complet. Après avoir rassemblé le butin et rallié ses troupes, Si-Hamza se retira sans être inquiété sur El-Menia. La retraite fut rendue pénible par la privation d’eau. Le 13 décembre, le khalifa arriva à Laghouat, où il fit une entrée triomphale.
Mohammed ben Abdallah, « le Chérif d’Ouregla » comme ils disent, lui enverra le message suivant : « Renonce à ton projet insensé, ô Hamza le renégat ! Sans quoi tu mourras damné en fuyant devant moi. »
Après la chute de Laghouat, les « Beni-M’zab s’empressèrent de demander l’aman au général Pélissier, et lui envoyèrent le 12 décembre 1852 » une lettre de soumission, dont le texte traduit est donné par Mangin. Celui-ci cite abusivement « les Béni-Mzab », car il ne s’agissait en fait que des habitants de Guerrara, comme l’indique la lettre. Guerrara avait toutes les raisons de redouter le parti-pris de Pélissier à son égard et Mangin a dû certainement anticiper sur la lettre envoyée par le général et adressée « aux habitants des villes de Ghardaïa, Melika, Beni-­Isguen, El-Ateuf, Bou-Noura, Berrian et Guerrara », autrement dit à tout le Mzab. Cette lettre, un monument de suffisance et de chantage, transmet cette injonction très claire : « au reçu de mes ordres, envoyez vos chefs de djemââ à Si-Hamza. Il sera votre outil auprès de moi ». Si Hamza est, décidément, l’homme providentiel.
Au nord, le khalifat des Oulad Naïl, Si Chérif Ben Lahrach (Bel-Arch pour Mangin), plus prudent ou plus intelligent, ou les deux à la fois, objecte qu’il « n’ose plus répondre de la fidélité de ses tribus », ce qui lui vaudra de nouveaux déboires. Mais le zélé Si Hamza, toujours lui, se chargera de pallier cette « carence » en poursuivant, pillant et massacrant les tribus « dissidentes » jusqu’à Bou-Saâda et au-delà.
A l’ouest, Tidjani a déjà tout donné en 1844 au lieutenant-colonel de Saint-Arnaud, envoyé du général Marey-Monge ; il n’a donc plus rien à offrir. Ou plutôt si ; le 17 décembre il offre à la colonne Pélissier une « diffa » mémorable composée de « dattes à profusion », d’une « foule de ragouts de poulets au riz assaisonnés avec une profusion de piment et de poivre », (chtit-ha djaj, peut-être), de «couscoussou », d’une « série de moutons rôtis accompagnés de rognons cuits dans leur graisse », d’un « monceau de beignets et de pâtes au miel » le tout accompagné d’une « eau parfaitement fraîche, mais hélas ! fortement aromatisée avec de l’essence de rose et de jasmin ». Après ce menu au superlatif, l’officier du 2ème zouaves, auteur de ces « Souvenirs », conclut ainsi : « après ce repas primitif et homérique… on servit le café …». Et Mangin ajoute cette information : « en souvenir de l’accueil fait à la colonne, le général Pélissier, rentré à Oran, envoya à Tedjini, de la part du Ministre de la guerre, la collection manuscrite des œuvres d’Ibn-Khaldoun ». Le Ministre de la guerre a de l’humour, mais l’histoire, celle-ci du moins, ne dit pas où cette collection a été prise, dans quelle mosquée, dans quelle zaouïa, dans quelle médersa.
Et au milieu de tout cela, le bon Monsieur Fromentin, venu avec ses pinceaux chercher ce qu’il appelle (nom qui restera) « la couleur locale », trouvera le soir un peu de son pays : « Vers dix heures, un clairon de cavalerie vint sous mes fenêtres sonner le couvre-feu. C’est un air lent et doux, finissant par une note aiguë destinée à se faire entendre de loin.
« Allons, me dis-je, je ne suis pas tout à fait hors de France !»
A quoi tiennent les choses, n’est-ce pas ?
Arrivés à ce point de notre récit, il nous reste au moins une question sans réponse, celle du 2 décembre ; pourquoi est-ce le 2 et pas un autre jour qui est communément retenu, par les Français s’entend, comme date de la prise de Laghouat ? Nous n’avons pas la réponse et il serait étonnant qu’il y en ait une satisfaisante; mais il doit y avoir une explication du côté des flagorneurs de Napoléon III et du Second Empire. Cette date est précisément celle du coup d’Etat qui a proclamé l’Empire et conféré au Prince-Président le titre d’Empereur des Français. Simple tour de passe-passe de militaires zélés ou falsification de courtisans empressés. L’histoire est décidément bonne fille, pour ne pas dire autre chose.
Ahmida MIMOUNI
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Message par Admin Ven 21 Fév - 8:45

Bonjour et merci pour le partage de la publication et l'auteur de cet article le permet nous aimerions bien le publier sur le site www.laghouat-histoire.com

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